En 3500 avant notre ère, des tablettes d’argile sumériennes portent les signes distinctifs de marchands de bière. Les poteries grecques de l’Antiquité, quant à elles, témoignent d’un usage systématique de marques pour identifier l’origine des produits.
L’apparition de la première entreprise officiellement reconnue, la Société des Indes orientales, bouleverse les pratiques commerciales au XVIIe siècle en Europe. Les marques, jusque-là simples signes artisanaux, deviennent des instruments de monopole, de réputation et de contrôle économique.
Aux origines des marques : comment tout a commencé
La marque ne s’est pas inventée dans l’ombre des bureaux modernes ou sous l’impulsion du marketing. Elle a traversé l’Histoire, posant ses premiers jalons bien avant que la publicité n’existe. Depuis l’Antiquité, le signe distinctif s’impose comme preuve d’origine ou de propriété. Chez les Égyptiens, le hiéroglyphe gravé sur des briques, amphores ou jarres de vin identifie l’auteur ou le propriétaire. On marquait aussi le bétail au fer rouge, pour ne laisser aucun doute sur sa provenance. À Rome, chaque potier laissait sa trace sur ses œuvres, une façon de signer ses créations, une pratique que l’on retrouve encore en Chine ou en Égypte.
Au Moyen-Âge, la corporation exigeait de ses membres qu’ils apposent un poinçon particulier sur leurs produits. Objectif : distinguer chaque production, limiter la contrefaçon (très sévèrement réprimée), et instaurer une forme de traçabilité bien avant l’avènement des marques telles qu’on les connaît. La marque devient alors synonyme de fiabilité, garantissant l’origine et la qualité.
Progressivement, le branding, autrement dit, l’art de forger et gérer une identité, commence à se dessiner. La marque se transforme en atout pour se différencier, affirmer sa réputation. Au XIVe siècle, Bartolo da Sassoferrato rédige un traité pionnier sur le droit des marques, posant les bases d’une reconnaissance juridique.
Voici quelques exemples de pratiques anciennes qui illustrent cette évolution :
- Hiéroglyphes gravés servant de signatures d’artisans
- Marquage du bétail pour attester la propriété
- Poteries et amphores portant le nom du fabricant
Le rôle du logo s’enracine donc dans un passé lointain, traversant époques et métiers : bien avant l’ère industrielle, la marque s’imposait déjà comme un repère identitaire et un gage de confiance.
Quelle a été la toute première entreprise de l’histoire ?
Longtemps, l’entreprise se confondait avec un atelier, une petite manufacture, parfois même une activité familiale sans nom officiel. Mais pour désigner la première structure à avoir uni un nom à un produit reconnu, il faut patienter jusqu’au XIXe siècle, quand la marque déposée trouve une existence légale. Avant les registres, chaque producteur ou marchand pouvait procéder à sa manière, mais sans protection formelle.
Un exemple marquant : en Tchéquie, la brasserie PILSNER dépose sa marque en 1859. Ce geste la place en tête du classement mondial des plus anciennes marques enregistrées. Le Royaume-Uni suit, inscrivant le triangle rouge de Bass en 1876 dans son tout premier registre. Aux États-Unis, Averill Paints obtient le premier enregistrement officiel en 1870, tandis que Samson Ropes, déposée en 1884, reste l’une des marques américaines les plus anciennes encore actives.
Pour illustrer cette chronologie, voici les pionniers du dépôt de marque :
- PILSNER : première marque déposée mondiale (Tchéquie, 1859)
- Bass : premier enregistrement au Royaume-Uni (1876)
- Averill Paints : première marque enregistrée aux États-Unis (1870)
- Samson Ropes : plus ancienne marque active aux États-Unis (1884)
L’industrialisation, la multiplication des échanges et la compétition généralisée font émerger la marque comme pilier du monde des affaires. Colgate (1873), Coca-Cola (1893), Heinz (1897) suivent cette dynamique, liant leurs produits à une identité, un territoire, une promesse tangible. Déposer et défendre sa marque devient alors l’acte fondateur d’une nouvelle réalité économique.
De l’Antiquité à aujourd’hui, pourquoi les marques façonnent notre société
Dès les débuts de l’Histoire, la marque prend une place qui dépasse largement le simple repère visuel. Un hiéroglyphe sur une amphore égyptienne, une marque au fer sur un animal dans l’Empire romain, un poinçon sur une poterie chinoise : autant de gestes qui affirment la provenance, valident la qualité, protègent la propriété. Au Moyen-Âge, la corporation institutionnalise ces usages : chaque artisan marque ses œuvres, sous peine de sanctions en cas de contrefaçon. Au XIVe siècle, Bartolo da Sassoferrato anticipe la formalisation du droit des marques dans ses écrits.
Avec l’industrialisation, tout bascule. La propriété intellectuelle devient un enjeu central. En France, la loi du 23 juin 1857 met en place une véritable protection des marques, suivie de la Convention d’Union de Paris (1883) et de l’Arrangement de Madrid (1891), qui ouvrent la voie à une reconnaissance internationale. L’INPI, créé en 1900, veille sur les marques et brevets. Le cadre juridique s’affine : l’OMPI définit la marque comme un “signe distinctif protégé par le droit”, la directive européenne harmonise les pratiques, la norme ISO 20671 pose des critères précis pour évaluer la valeur des marques.
Aujourd’hui, la marque structure l’économie. Elle guide les choix des consommateurs, arme la stratégie des entreprises, tisse des liens d’appartenance. Derrière un nom, un logo, une signature, il y a une promesse, parfois même une part d’émotion. David Ogilvy le disait sans détour : la marque, c’est “la somme intangible des attributs d’un produit”. Pour Marty Neumeier, elle relève presque de l’intuition, de l’expérience subjective. Le branding d’aujourd’hui orchestre l’image, rassemble des communautés, façonne la notoriété de mastodontes comme Google, Adidas ou Danone.
Des amphores antiques aux start-up d’aujourd’hui, des poinçons médiévaux aux logos planétaires, la marque n’a cessé de tisser sa toile. Demain, qui sait quels nouveaux symboles viendront incarner nos choix, nos repères, nos désirs ?